Reconnaître une statuette ancienne de Bouddha authentique


  Il n'y a malheureusement pas de truc infaillible, mais avec un peu de bon sens et quelques connaissances préalables on peut diminuer largement le risque de se retrouver avec une copie moderne sur les bras.

La première chose à savoir est que, même si nombre d'entre elles ne le sont plus à l'heure actuelle, toutes les statues du Bouddha (y compris celles en pierre !) étaient dorées à l'origine, puisque sa peau elle-même était réputée être de cette couleur. C'est même une des 32 caractéristiques surnaturelles attribuées au Bienheureux, comme : les cheveux bouclés en spirale tournant vers la droite, les quarante dents égales, les doigts palmés, les orteils de même longueur, l'absence de muscles visibles, etc.
Une des premières vérifications à faire sur une statue en bronze qui semble ancienne est donc de rechercher une trace, même infime, de cette ancienne dorure.
Celle-ci a pu être appliquée de deux façons : par des feuilles d'or collées sur la laque ou bien par dorure au mercure (ce dernier cas uniquement pour les statues en bronze).

 

• la dorure sur laque se fait en apposant des feuilles d'or (les mêmes que celles utilisées en Europe pour les cadres des tableaux) sur la laque encore légèrement collante. Cette laque était le plus souvent noire, car colorée à l'aide de noir de fumée, plus rarement rouge, à l'aide de cinabre ou même jaune, teintée alors à l'orpiment.
Avec le temps et les chocs, cette laque s'est plus ou moins complètement écaillée, mais le dernier endroit où on a encore une chance de la retrouver, car c'est le plus protégé, est : derrière les oreilles.

 

Photo ci-dessus : le métal (gris) montre des écailles persistantes de laque (noire) portant encore des traces de feuille d'or. (Grossissement x 10)

 

 

Dans le cas où la statue a été soumise au feu d'un incendie (comme pour celles, assez nombreuses, qui datent de la mise à sac de l'ancienne capitale siamoise d'Ayutthaya par les Birmans, en 1767), la laque a entièrement brûlé, en emportant toute trace de dorure.
Il nous reste néanmoins un indice : dans le cas des statuettes destinées à être laquées-dorées, les traits du visages étaient volontairement accusés par le sculpteur et leur relief très accentué pour compenser l'empâtement dû à l'épaisseur des couches de laque.

En présence d'un bronze ne présentant plus de trace de laque on doit donc logiquement retrouver cette exagération notable des reliefs du visage, particulièrement évident sur les plus petites statuettes.

(cf. photo ci-contre, hauteur du visage : 5 cm)

  

 

• Le procédé de la dorure au mercure est très différent :
Une fois la statue en bronze (aujourd'hui en laiton) dégagée de son revêtement réfractaire à la fonderie, elle est débarrassée des défauts de surface et de ses tiges de coulée par limage ou meulage. Elle est ensuite passée à l'acide et recouverte entièrement, par tamponnement, d'un amalgame d'or et de mercure qui lui donne un aspect brillant, gris métallique. Il suffit ensuite de chauffer cet amalgame pour faire évaporer le mercure et obtenir un dépôt d'or très fin. Cette technique, très dangereuse pour l'opérateur et l'environnement, est aujourd'hui très réglementée (tout du moins en Europe !). La dorure ainsi obtenue apparaît très mate et il est ensuite nécessaire de la brunir (à l'aide d'un brunissoir en agate) pour la rendre brillante.
Sur les statues anciennes, cette dorure a disparu plus ou moins complètement avec le temps (surtout dans le cas des bronzes de fouille) et les frottements, mais en cherchant bien il reste souvent d'infimes traces d'or éparses sur la patine ancienne, plus ou moins verdâtre, visibles à la loupe x 10.     (cf. photo ci-dessus)

 Un autre truc : en regardant sous le socle d'une statuette on aperçoit le noyau en matériau réfractaire.
Les statues en bronze (sauf les très petites, comme les amulettes qui sont massives) sont coulées à la cire perdue autour d'un noyau central, afin d'économiser le métal.

Traditionnellement, ce noyau était  fait d'argile crue mélangée à du sable et à de la balle de riz (l'enveloppe du grain). Cette dernière, après combustion, donnait au noyau une couleur très noire et un aspect charbonneux caractéristique.

 Les revêtements réfractaires modernes ne contiennent plus de débris végétaux ; ils présentent donc, après cuisson, une couleur beaucoup plus claire et très uniforme.

 

Ces quelques trucs ne sont, bien entendu, ni infaillibles, ni suffisants…

Une bonne expérience, faite d'erreurs successives (car c'est le prix obligatoire à payer pour les leçons) reste irremplaçable...


Jicé